(extrait d'interview)
LC: Que signifie « La Forme » ?
EA: La forme désigne dans les arts martiaux une séquence de techniques réalisée dans le vide, une suite de gestes dont le déroulement reproduit un schéma de combat prédéterminé. Cet enchaînement gestuel peut-être exécuté extrèmement lentement ainsi que très rapidement. Il est aisé de faire le parallèle avec ma façon de travailler, à la fois lente et rapide, une véritable chorégraphie à 2 vitesses. La forme.
La forme c’est également cette sphère qui revient dans plusieurs de mes séries, elle était discrete et sombre puis dans Useful Lies c’est une sphère blanche représentait l’optimisme et l’espoir. Dans La Forme, ce cercle d’image impressionné sur l’emulsion au collodion humide est tout ce qu’il reste d’une démarche ou le sujet, le modèle s’efface pour laisser apparaitre l’essence de la photographie, la lumière et l’optique. Dans ce dénuement total apparait alors le soleil, la lune, une étoile, une planète, impossible de ne pas le remarquer. Lorsque j’ai montré les premières images de cette série, on m’a cité tout type d’astres.
LC: Est ce que lorsque l’on délivre la photographie de tout sujet, il ne reste plus que la source de lumière principale, celle qui nous fait voir?
EA: Le soleil tout puissant , source de Chaleur, lumière et vie apparait donc logiquement dans ce qui ressemble à une ultime photographie. L'atmosphère, les nuages, le sol ou les océans reçoivent la lumière solaire. Ils renvoient une partie de cette lumière dans toutes les directions, ils ne font que diffuser la lumière. Tout, dans le système solaire est éclairé par le Soleil. Sans soleil, pas de lumière, pas de vie, et clairement pas de photographie.
LC: Quel part prend le procédé dans cette série.
EA: Le procédé et le matériel a pour une fois la part belle. Sur la plaque de verre seul le procédé et l’optique dessinent et forment ces sphères. Au collodion humide, la première chose qui apparait sur le verre c’est un cercle de liquide jaune au centre d’une plaque de verre, puis il s’étend pour devenir carré ou rectangulaire. Mais le cercle est toujours là. Je pense que je n’ai envie que de lui. Tout est obsession dans mon travail. Le cercle est partout dans la nature, il est la source et l’aboutissement. Je cherche depuis un moment à montrer ce qui est le plus simple et là je suis juste allé un peu plus loin.
Une amie m’a soufflé habilement que ma démarche, en dépossédant l'image d'un sujet, en ne capturant que la trace d'un élément naturel, la lumière, est un naturalisme poussé à son paroxysme et me semble être une posture qui contre la fétichisation de la représentation
LC: Chasser le réel et il revient au galop, dans sa forme la plus forte…
Sans ce cercle c’est le noir total. Il viendra certainement à un moment d’ailleurs… J’ai l’impression que chaque artiste fait évoluer sa carrière a une vitesse. plus ou moins rapide tout en repoussant ce moment ou il se laissera aller à la tentation de l’abstraction absolue. La feuille blanche, la toile noire, le bout de verre transparent. L’attraction de ne plus représenter la réalité devient trop forte, une sorte de finalité artistique. Pour l’instant le cercle est toujours là, plus présent que jamais, comme une démonstration que mes détracteurs avaient raison, ce procédé se suffit à lui même, inutile d’avoir un modèle, de représenter la nature, le réel. Ma chambre face à un fond clair m’offre une multitude d’images que moi-même je découvre. Pour un instant, je ne suis plus créateur, je baisse les bras face à la force de mon médium. Maitre de cérémonie, c’est reposant.